« Et si je venais à entrer au Carmel ?… »
..dialogue au parloir entre sr Béatrice, formatrice et Marion, intéressée
Marion : Et si j’entrais au Carmel, comment ça se passerait ? J’aurais une formation ?
Sr Béatrice : Bien sûr ! Lorsqu’on entre au Carmel, le désir est là, de suivre le Christ où il nous appelle et le cœur est grand ouvert… mais nous arrivons avec tout ce qui a fait notre vie jusque là : notre famille,nos amis, nos habitudes de vie (aujourd’hui, on se couche tard et on se lève rarement tôt!) , nos goûts artistiques, nos lieux de détentes, nos études, notre profession, que sais-je ? Et tout cela va devoir trouver sa place dans cette nouvelle vie. On ne devient pas carmélite du jour au lendemain… Et puis, il y a tout à découvrir de ce qui fait la richesse du Carmel : la manière de prier, de vivre au quotidien, tout ce qui fait le patrimoine de notre famille spirituelle, la façon de se détendre seule ou ensemble… et j’en passe ! C’est tout un champ nouveau qui se découvre à nous !
Marion : Et on commence par quoi ?
Sr Béatrice : La première étape que l’on appelle habituellement le postulat et qui se déroule sur une période de six mois à un an est un peu comme un sas entre notre vie d’avant et celle qui s’ouvre à nous : temps de découverte de la communauté, de la manière de vivre, du rythme des journées et de la liturgie ; temps aussi pour laisser décanter ce qui a précédé notre entrée au monastère, de faire l’apprentissage d’un accompagnement de semaine en semaine avec la formatrice pour mieux se connaître soi-même…
Marion : Et il y a des enseignements ?
Sr Béatrice : A cette étape de la formation, il y en a, bien sûr, mais peu, de façon à mettre davantage l’accent sur ce qu’on pourrait appeler l’acclimatation à l’écoute : acquérir un cœur de disciple et se former au dialogue avec la formatrice. Les enseignements deviennent plus importants à l’étape suivante…
Marion : qui est ?
Sr Béatrice : … ce qu’on appelle le noviciat. Cette période d’un à deux ans est marquée par la prise d’habit qui nous fait entrer dans la grande famille du Carmel. Cette étape est très importante ; elle est marquée par un rythme plus soutenu d’enseignements et une entrée plus concrète dans le travail et les services communautaires afin que le rythme de la vie entre dans notre esprit, notre cœur et… notre corps qui est de la partie !
Marion : Ah bon ? Sr Béatrice : Mais oui ! C’est tout notre être qui est appelé au Carmel et pas seulement nos grandes aspirations !
Marion : Mais quand on est sûre de vouloir être tout à Lui, est-ce que ce n’est pas suffisant ?
Sr Béatrice : Eh bien, précisément, on n’en est bien sûre que lorsque notre vie tout entière (vie spirituelle, psychique et physique) nous le confirme… et cela se vérifie dans le temps !
Marion : Quand même ! C’est long !… Et après, c’est bon ?
Sr Béatrice : Oui, si notre être concret acquiesce à cette forme de vie cachée et amoureuse au service de l’Eglise, nous pouvons demander à faire profession… Marion : Pour de bon ?
Sr Béatrice : Pour de bon … mais de façon temporaire, pour trois ans au moins…
Marion : Eh ben, si tous les jeunes qui sortent ensemble prenaient autant de temps avant de s’engager dans le mariage !…
Sr Béatrice : Ça ferait sans doute des couples plus durables, oui ! A cette étape où l’on devient professe temporaire, on entre davantage dans les services communautaires de la liturgie et on apprend à travailler intellectuellement davantage en solitude (encore que les enseignements au noviciat durent encore au moins deux ans)….
Marion : Si je comprends bien, il y a un changement qui intervient à la fin de la deuxième année de vœux ?
Sr Béatrice : Je pense bien ! On est à une année des vœux solennels et pour s’y préparer plus intensément on « entre en communauté ». Par ce rite, la jeune professe quitte le noviciat et va continuer sa vie de dialogue (qui avait été entamée avec la formatrice ) avec la prieure, à un rythme qui va aller progressivement et de façon souple, d’une semaine, à quinze jours puis tous les mois. Parallèlement, elle va consacrer ses temps d’étude à approfondir ce que sera son engagement définitif. C’est un temps très fort, mais aussi très exigeant. Elle est davantage en communauté et peut se sentir moins entourée qu’au temps du noviciat. Elle s’exerce à vivre ce que Madeleine Delbrêl, une grande amie du Carmel, appelait « la spiritualité du vélo ».
Marion : Pardon ?
Sr Béatrice : le vélo a deux roues comme chacun sait…
Marion Et alors ?
Sr Béatrice : La première est la solitude et la seconde est la vie communautaire. Pour que le vélo roule, il faut deux choses : que la chaîne soit bien à sa place et…
Marion : Pédaler !
Sr Béatrice : Tu as tout compris !
Marion : Et au bout d’un an, on sait pédaler !
Sr Béatrice : Disons qu’on a son permis de pédaler !
Marion : Comme on a son permis de conduire ?
Sr Béatrice : Oui ! A cette étape, si elle en fait la demande et que la communauté juge que la jeune est réellement prête pour le don définitif, elle peut faire sa profession solennelle. Après quoi, on roule et c’est en roulant dans le temps qu’on devient apte à rouler.
Marion : Bon ! Mais alors, si j’entends bien, on n’est jamais vraiment carmélite ?
Sr Béatrice : Tu as bien entendu ! On le devient « très peu à peu » comme dit si bien notre Père St Jean de la Croix et c’est pourquoi la formation continue est si importante !
Marion : La formation continue ?
Sr Béatrice : La communauté continue de se former en invitant des intervenants à temps réguliers. Elle envoie aussi une ou l’autre sœur en session pour approfondir sa formation ou se perfectionner dans son travail …
Marion : Parce qu’il y a des sessions ?
Sr Béatrice : Oui, dès le noviciat, les jeunes sont invitées à des sessions réalisées pour elles par la fédération et il y en d’autres prévues pour les professes solennelles en fédération ou au SDM.
Marion : Ça c’est bien !
Sr Béatrice : Mais il ne faut pas oublier que la première intéressée dans sa formation, c’est la sœur elle-même ! C’est donc à elle de veiller à ses rencontres mensuelles avec sa prieure pour faire le point, et au choix de ses lectures pour piocher les grandes avenues ouvertes pendant la formation initiale…
Marion : Je vois, c’est à moi de me prendre en charge en quelque sorte !
Sr Béatrice : Oui !
Marion : On pourrait se revoir ?